vendredi 8 novembre 2013

Recrutement et carrières dans le Digital

J'assistais mardi 5 novembre à la table ronde organisée par le Club Digital sur le thème "Recrutement et carrière dans le digital : les clés du succès". Un sujet qui a attiré du monde.

Voici quelques point que j'ai notés au cours des discussions.



La table ronde, animée par Sourisack Bounpieng et Pierre Guimard pour le Club Digital, réunissait:

  • Sylvie Chauvin - DRH Cadremploi
  • Pierre Cannet - Président Fondateur Blue Search
  • Emeline Bourgoin - DRH DailyMotion
  • Olivier Fecherolle - Dir Stratégie et développement Viadeo
  • Céline Gallet - DRH Van Cleef & Arpels
  • Sylvie Joseph - Dir des programmes de transformation Digitale, La Poste
Beaucoup de monde, preuve d'un haut niveau d'attente et de questionnement des entreprises face aux métiers du digital, aux profils susceptibles d'y répondre, aux niveaux de rémunération, à l'évolution des carrières et aux spécificités de management qui y son liées.

La présence de profils très différents, entre spécialistes recrutement (Cadremploi, Blue Search), Pure players (Viadeo ou Daily Motion) et entreprises plus traditionnelles (Van Cleef ou La Poste), a mis en avant la diversité des problématiques: il n'y a pas de "one size fits all". Et c'est là que la transformation digitale de l'entreprise, notamment côté RH, prend tout son intérêt.

Recrutement
Constat partagé par tous les intervenants, la relation recruteur/prospect a considérablement évolué.
  • Par l'accélération et la fluidification du processus de conquête (en vue recruteur) via la multiplication des canaux de communication et la visibilité des profils (réseaux sociaux, blogs, sites d'emploi, cvthèques...). 
  • Par le rééquilibrage de la relation employeur/prospect. Notamment parce que l'employeur fait désormais face à une obligation de transparence (cf eRéputation), renforcée dans le marché "pénurique" qu'est le recrutement de profils digitaux.Car il y a pénurie de profils comme le souligne Sylvie Chauvin. Le développement de nouvelles formations spécialisées s'accélère (cf 42, Sup'Internet...) mais les formations traditionnelles (écoles de commerce, d'ingénieur, d'informatique) ne se sont pas encore adaptées. Aujourd’hui nous sommes dans une phase intermédiaire où la demande reste plus forte que l'offre sur des métiers dont la technicité évolue en plus chaque jour. A l'entreprise de se montrer encore plus attractive. rémunération, bien sûr, mais aussi enjeux, culture, moyens et méthodes de travail, etc. Et cette attractivité doit se voir sur les réseaux (connue, partagée, commentée...).
Autre constat partagé, l'enjeu du recrutement digital se situe à deux niveaux: la définition précise du besoin, en amont, et la pertinence du recrutement sur la durée, en aval.
  • Sur le besoin, Pierre Cannet fait remarquer que le métier de recruteur digital devient de plus en plus un métier de conseil RH, travaillant avec l'entreprise sur sa stratégie digitale, réfléchissant sur son organisation, car il n'y a pas de réponse toute faite sur un besoin de recrutement digital. En période de transformation, cette étape amont de qualification est critique.
    Il aurait été intéressant de passer plus de temps sur cette discussion. La transformation digitale passe par la définition d'objectifs et de moyens. Que va-t-on internaliser, externaliser, et sous quelle forme (agences, sociétés de services, centres de services, prestataires sur site ou hors site) ? Une réflexion bien différente suivant la phase de transformation (étude, pilote, industrialisation, déploiement), le métier, les enjeux, la taille et l'organisation de l'entreprise.
  • Sur la pertinence dans la durée : puisque le Digital évolue chaque jour, puisque les métiers évoluent au même rythme, puisque la transformation digitale est un processus constant, il est clair que la compétence technique d'un candidat aujourd'hui n'est pas un critère de pertinence suffisant. Cette compétence sera peut-être dépassée ou inutile dans 18 mois.
Du coup, qui recruter? Quel profil retenir? Là aussi, le consensus se fait, sur le potentiel plus que sur les compétences. La priorité est donnée à la capacité d'adaptation, à la flexibilité, à l'ouverture... des éléments que le recruteur a les moyens d'évaluer.
  • Une attention spécifique est à porter aux réalisations du prospect/candidat en parallèle des études ou du métier : applications, projets, activité sur les réseaux. Egalement, à leur présence voire leur participation dans des événements physiques (conférences, notamment).
  • Le cas échéant, notamment pour les profils techniques, le recruteur peut identifier un vivier en mettant les prospects en situation de preuve: coding parties/hackathons ou  tests techniques via le web (pratiqués notamment chez DailyMotion), social games... Des prestataires ont développé des offres spécifiques sur ces approches. Une démarche qui permet de présélectionner des candidats potentiels qui seront ensuite  approchés en direct par le recruteur.
La situation diffère d'entreprise à entreprise. La présence de Céline Gallet et Sylvie Joseph était à ce titre très enrichissante. On parle beaucoup des "pure players", qui sont finalement le cas le plus "simple". Il en va autrement pour les entreprises traditionnelles qui doivent se transformer.
Cette transformation va bien au-delà du marketing, du e-commerce et du CRM, la "digitalisation" transformant tous les processes, de conception, production, et logistique et ouvrant la voie à un renouvellement stratégique de l'offre (cf Facteo pour la Poste, actuellement). La capacité d'intégration des candidats recrutés, confrontés à cette dualité innovation/tradition, est dans ce cas un enjeu majeur.

D'où le choix qui peut être fait d'investir sur des ressources "formées en interne". Pour les amateurs de football, on est en pleine comparaison FC Barcelone/Real Madrid et des approches "Centre de formation" vs "Achat de stars". Plus qu'une question de compétences ou de prix, il s'agit bien d'être au plus près de la stratégie de l'entreprise, de sa culture pour aller au meilleur de sa capacité de transformation. 



Carrière et Management

Parmi les sujets évoqués sur les carrières en Digital: la rémunération et l'évolution.
  • Concernant les rémunérations, les choses sont claires, elle sont élevées. Marché en expansion, technicités élevées, problématiques nouvelles... et nombre insuffisant de candidat. Loi de l'offre et de la demande et "on veut tous les meilleurs" comme le souligne Sylvie Chauvin... Tout ceci a un prix, et pendant encore quelques années, il va falloir ouvrir son porte-monnaie.
  • Sur l'évolution des carrières, les collaborateurs impliqués dans les activités digitales ont des évolutions semble-t-il plus rapides que leurs congénères "traditionnels". Le digital offrant une visibilité qui bénéficie directement à la carrière du collaborateur.
    Je pense surtout que les carrières rapides sont d'autant plus visibles que le career path associé n'existait pas il y a 10 ans, et que bon nombre de profils recrutés en "Digital" sont déjà des hauts potentiels:
    • La transformation Digitale EST stratégique pour l'entreprise. Elle concerne tous les secteurs, tous les métiers. Il s'agit d'engager toute l'organisation dans un renouvellement fortement rentable (par gain de production et nouveau business). 
    • Pour lancer et réussir la transformation Digitale, il est nécessaire de faire appel à des talents qui vont faire preuve d'un très haut niveau d'adaptabilité, d'écoute, d'intelligence, de leadership en plus de leurs compétences business et digitales. On n'est pas dans l'application de mécaniques éprouvées. On va donc aller chercher ceux qu'on pense être les meilleurs.
      On comprend dans ce contexte que des profils digital grimpent très vite dans certaines organisations (cf en ce moment tous les articles sur le career path CDO - CEO)

Sur ce thème de la carrière, il a beaucoup été question des "Digital natives". A nouveau, la présence de Sylvie Joseph a permis un rééquilibrage : en matière de digital, il s'agit surtout de profil psychologique (aptitude à apprendre, curiosité, ouverture, adaptabilité, innovation...) plus qu'une question d'age.
Il était d'ailleurs intéressant de constater que les participants à cette table ronde (ou les fondateurs de leurs entreprises très digitales), pourtant leaders sur leur sujet, n'entraient pas dans la catégorie des Digital Natives. Preuve que le Digital n'est pas qu'une affaire de génération. 

Concernant le management, dans le digital et la culture digitale dans l'entreprise
  • Premier point commun, l'infusion et la diffusion de la culture digitale dans l'entreprise, en commençant par le management. Ce qui n'est pas compris et adopté par le ComEx et le management ne sera pas adopté/déployé dans l'entreprise. Digitaliser le management est une clé du succès. Formations spécifiques, coaching sont effectués. A étendre plus largement dans l'entreprise, bien sûr, en gestion du changement de la transformation digitale.


  • Olivier Fecherolle a souligné l'importance du contexte de l'entreprise, et son attractivité (moyens mis à disposition, notamment, au moins au niveau avec ce que le collaborateur peut utiliser à titre personnel).
  • Les intervenants ont souligné l'importance de la circulation de l'information, d'une forme de transparence à laquelle sont habitués tant les digital natives que les digital experts. Pratique requérant la mise à disposition d'outils favorisant cet échange d'information. Ceci va éventuellement se traduire par une forme de lâcher prise nécessaire dans les entreprises traditionnelles. Nécessaire mais pas toujours facile.
  • Egalement, l'importance de l'autonomie et du test and learn. Puisque les profils recrutés ont du potentiel, leur donner la possibilité de tester leurs propres pistes, de laisser "libre cours" à leur capacité d'innovation. Avec l'éventualité de voir des processes s'améliorer nettement, ou se concrétiser un projet qui deviendra un fort contributeur au chiffre d'affaire, comme c'est arrivé chez DailyMotion, a raconté Emeline Bourgoin.
  • Dans la perspective du manager, il a été souligné la fréquente et nécessaire adaptation de l'organisation, liée à la gestion humaine du cycle d'innovation (business, pratiques et outils en digital) et de l'obsolescence des compétences (on ne peut pas être spécialiste de tout, partout, quand tout est renouvelé, tout le temps...). L'importance d'organiser son équipe, de répartir les expertises entre interne et externe, afin d'être toujours au top des pratiques et de l'efficacité. Une flexibilité qui est un des talents demandés au manager digital.
  • A noter la remarque d'Olivier Fecherolle, et repris par d'autres intervenants: "il serait bon que tout un chacun apprenne à développer", pas tant pour savoir coder que pour comprendre ce qu'il y a derrière le Digital. Dans un contexte drivé par l'innovation technologique (contexte d'offre, plus que de demande), j'adhère totalement à ce point de vue. Digital et technologie sont indissociables. Disposer d'un point de vue technique permet d'être moins vite distancé, de comprendre plus vite, de mieux s'adapter, de mieux utiliser voire d'anticiper.
Que conclure de cette table ronde?

On est au tout début de l'histoire. Les métiers se structurent peu à peu, les chemins de carrière se découvrent, tout repose en fait sur la capacité des employeurs, recruteurs, candidats et collaborateurs à se montrer ouverts et flexibles. Dans ce contexte de changement permanents, avec des enjeux business considérables, les RH digital se construisent et l'adaptation est un atout majeur. De même que l'humilité, ont indiqué plusieurs participants. L'humilité qui est un excellent compagnon de l'ambition et de l'innovation.


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Il était un peu après 19h quand la table ronde a pris fin. Tout le monde avait fini le sachet de bonbons qui avait été donné à l'entrée et s'est dirigé en masse vers le buffet.

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